Analyse critique du film I am Mother, distribué par Netflix

Les séries et long métrages produits ou distribués par Netflix sont connus pour véhiculer bien souvent une idéologie contraire aux valeurs catholiques. Des dizaines d’articles ont déjà été écrits à ce sujet.
Nous allons ici faire un débunkage (mot contemporain pour démystification) du film de science-fiction australien « I am mother » de Grant Sputore, avec Clara Rugaard et Hilary Swank, sorti en juin 2019. Cette production est très qualitative sur le plan technique. L’actrice principale, Clara Rugaard y est aussi convaincante dans son jeu d’acteur qu’une Natalie Portman au même âge, et on peut lui prédire une belle carrière d’actrice. Le scénario post-apocalyptique est quant à lui digne des grands noms de la science-fiction. Enfin, tous les effets spéciaux sont convaincants. Cette belle production sert pourtant le nouveau paradigme de promotion du nouvel ordre post-chrétien propagé par la plateforme Netflix.

 « I am mother », dont le titre peut oralement sonner comme « I am other », signifie « je suis mère », et peut aussi vouloir dire en anglais « je suis autre ». Et effectivement, c’est l’histoire de la genèse d’une autre sorte de mère. De ce huis-clos post-apocalyptique à trois personnages, deux humains et un robot doté d’intelligence artificielle, réunis dans un bunker hi-tech va sortir une nouvelle forme de mère : bien humaine mais totalement déhumanisée.

L’histoire débute avec la mise en incubation automatique d’un embryon humain dans une couveuse. Un robot humanoïde conduit tout seul les opérations. Une succession de scènes montre ensuite le même robot élever l’enfant comme le ferait une vraie mère : donner le biberon, chanter des berceuses, jouer, apprendre à marcher, faire l’école, etc. Des tableaux parfois émouvants de cette surprenante famille monoparentale se succèdent, montrant l’enfant nourrisson, petite fille, puis adolescente.
Le contexte nous est expliqué vers la 7ème minute du film : le bunker est une ferme d’élevage d’humains, et le stock d’embryons humains congelés et l’intelligence artificielle qui supervise le fonctionnement ont été construits en prévision d’une apocalypse. L’histoire démarre après cette apocalypse : automatiquement, le robot a mis en route le protocole de repeuplement. Mais au lieu de démarrer l’incubation de tout le stock d’embryons, l’intelligence artificielle a commencé par un seul enfant car, dit-elle « il faut du temps pour apprendre a être mère ». De l’aveu du robot, cet enfant est donc un test pour la machine, puisqu’il est destiné à parfaire l’expérience de l’intelligence artificielle.

Le robot-maman présente l’aspect froid et impersonnel d’un engin militaire. Sa démarche rappelle celle des bipèdes de Boston Dynamics. Mais sa voix n’a rien d’artificiel : elle est tendre, affectueuse, d’un naturel tout à fait humain. Et les attitudes et postures – mis à part la démarche – sont celles d’une maman toute dévouée à l’éducation de son enfant.
On remarque tout de suite que contrairement à la plupart des I.A., intelligences artificielles, des films de science-fiction, comme HAL dans 2001, l’Odyssée de l’Espace, ou Gerty dans Moon, celle-ci, curieusement, ne porte pas de nom. C’est « Mère », simplement. Quant à l’enfant dont l’embryon portait le matricule APX01, elle sera appelée « Fille » tout au long du film.
Ne pas nommer ces deux personnages revient à en faire des individus universel.
A ce stade, on comprend donc qu’on est bien en présence d’un film à portée allégorique, comme le sont certains films de science-fiction, comme Matrix, Soleil Vert, Blade Runner et tant d’autres, et la suite de notre analyse va le confirmer.

A la dixième minute, lorsque « Fille » est adolescente, un épisode est censé illustrer l’enseignement. Car « fille » va à l’école… dans une classe vide, et où « Mère » est le professeur. Mais la scène de l’école est significative de l’idéologie Netflix, et mérite de s’y arrêter. Le thème en est l’éthique en matière de transplantation.

On présente à « Fille » un cas particulier de besoin de greffe : cinq receveurs ont un besoin vital d’organes. Un donneur potentiel, malade mais guérissable, pourrait sauver les cinq autres malades mais, privé d’organes vitaux, cela impliquerait de le tuer. La jeune fille est donc face à un problème d’éthique : vaut-il mieux guérir le donneur malade, quitte à ce que les cinq autres meurent, ou bien tuer le donneur pour sauver les cinq.
Évidemment, pour une intelligence artificielle sans émotion ni éthique, la question ne se poserait pas : tuer une personne malade mais guérissable pour prolonger la vie de cinq autres est la solution qui s’impose mathématiquement.
Le robot demande alors à « Fille » si, dans le cas où elle serait, ELLE, à la fois le donneur et le médecin, elle accepterait de donner sa vie pour sauver les cinq autres.
C’est censé être un cas de conscience : est-elle prête à se sacrifier pour l’intérêt du groupe ?
« Fille » répond qu’elle aimerait connaître les cinq autre patients pour savoir s’ils sont de bonnes personnes. En d’autres termes, elle revendique le droit de juger si ces personnes méritent de vivre ou non, si son sacrifice sert le bien ou le mal.
Le robot lui rétorque que les humains ont tous un droit égal à la vie, même s’ils sont indignes, fainéants ou même meurtriers, et que son élève doit relire les philosophes. A ceci « Fille » répond que les philosophes se contredisent… ce qui est vrai !

Pourtant tous les deux ont tort : le spectateur doté d’un minimum d’esprit voudrait pouvoir leur répondre que la problématique est insensée ! En effet, si le donneur est lui-même le médecin, alors les six mourraient car le médecin qui sera tué par le prélèvement de ses propres organes ne pourra jamais faire la greffe sur les cinq autres !
Ainsi
dans le monde futur dépeint dans le film, tout comme dans notre avenir proche, l’intelligence et la sagesse n’existent plus : l’homme débordé par ses sentiments est incapable de faire les bons choix sans l’aide de la machine, seule capable de le raisonner.
Certains verront ici une illustration de l’entreprise d’abrutissement par les médias : comme toujours, au lieu de faire appel à la réflexion, on propose au spectateur un choix binaire entre l’émotion et la logique comptable. Il n’y a pas d’Esprit Saint pour insuffler le désir de faire la volonté de Dieu plutôt que la volonté du monde. L’humanité recréée en « Fille » est dépourvue de tout lien spirituel qui, seul, de prendre des décisions qui répondent aux commandements divins plutôt qu’à des désirs individuels ou collectifs, et qui servent à faire le salut de l’âme.

A la dixième minute arrive l’évènement qui déclenche l’émancipation de « Fille » ; et qui va achever son initiation… Alors qu’elle regarde sur sa tablette un épisode enregistré de reality-show des années 80 (… je me demande d’ailleurs bien pourquoi les réalisateurs ont choisi un show aussi débile où le propos est la tenue vestimentaire de Woopy Goldberg ? comme si le bunker destiné à préserver le patrimoine culturel de l’humanité n’avait rien trouvé de mieux, à offrir en divertissement aux survivants d’une apocalypse… ), survient une panne de courant. « Fille » répare et en trouve la cause : une souris qui ronge des câbles (autre parenthèse : si une simple souris peut faire défaillir toute l’installation du bunker, ça en dit long sur la fragilité du système ; mais passons, ce n’est peut-être qu’une faiblesse du scénario).
Aussitôt l’énergie rétablie, « Mère » s’empresse d’incinérer la souris vivante, par crainte de contamination.
« Fille » se demande alors si « Mère » lui dit bien la vérité sur la situation extérieure. Si une souris bien vivante a pu s’introduire dans le bunker, alors il y a peut-être de la vie dehors… et peut-être même des humains. Elle profite alors du sommeil de « Mère » en train de recharger ses batteries pour aller jusqu’au sas. Et là, bien opportunément, elle trouve une survivante, blessée par balle, qui vient toquer à la porte. « Fille » hésite puis fait entrer l’étrangère.

Cette femme, dont l’âge avoisine la quarantaine, pourrait être la mère de « Fille ». Elle lui livre une autre version de la situation du monde que celle que « Mère » a raconté. Selon cette femme, qui ne dit pas son nom — et d’ailleurs personne ne le lui demande, toujours dans un soucis d’universalité probablement — les robots sont les méchants : ce sont eux qui asservissent l’humanité et qui massacrent les hommes libres, façon Terminator.

A ce stade, « Fille » est en quelque sorte face à deux mères qui lui proposent deux visions, deux univers, deux projets :
– Choisir le monde aseptisé du bunker et un projet de repeuplement dirigé par une intelligence artificielle.
– Choisir le monde extérieur, inconnu et mystérieux, où les hommes vivraient libres.

A laquelle de ces deux mères, « Fille » va-t-elle se fier ? Quel projet désire-t-elle vraiment ?
D’autre part, « Fille », tout comme Eve au pied de l’arbre interdit, est prise d’un doute : qui dit la vérité ? Mère ou l’étrangère ? Dieu ou le serpent ?
Le choix est d’autant plus difficile que rien n’est fait pour rendre l’étrangère particulièrement sympathique, ni à « Fille » ni au téléspectateur : avec son look de survivaliste armée, l’étrangère est sale, affamée, méfiante, agressive, préfère les opérations sans anesthésie, et en plus elle est anonyme !

La dimension mystique est mise en évidence une fois de plus. Alors que l’environnement du bunker est totalement athée, l’étrangère, elle, est ostensiblement chrétienne : blessée, elle récite des Ave Maria et elle serre un chapelet dans ses mains, et dans son repère à l’extérieur on découvrira un autel dédié à Marie. Elle possède en outre dans sa besace un livre intitulé « les Dieux de Mars ». C’est un ouvrage d’anticipation des années 20 qui existe réellement. Wikipedia nous apprend que dans cette histoire qui se passe sur la planète Mars, le héro dénonce les fausses religions en usage sur la planète rouge.

Ainsi comme nous l’avons dit, l’étrangère, humaine paraît au spectateur aussi dérangée et archaïque que les humains des réserves sauvages d’Aldous Huxley dans le Meilleur des Mondes. Le robot, malgré son ambiguité, parait finalement plus humain, affable, adulte que cette femme au regard de bête traquée.

Bref, après quelque péripéties et la découverte que « Mère » a élevé d’autres filles avant « Fille » et qu’elle les a vraisemblablement tuées parce qu’elles ne correspondaient pas au projet totalitaire de l’intelligence artificielle, « Fille » finit par prendre « Mère » en haine et s’enfuit à l’extérieur avec l’étrangère.
Elle y découvre que la terre est stérile et que les seules cultures — industrielles — sont contrôlées par des machines associées à l’intelligence artificielle de « Mère » et défendues contre le pillage de survivants humains par une armée de robots tueurs. En gros : le monde réel de Matrix !
Loin de l’introduire dans une communauté de survivants, l’étrangère lui révèle que l’humanité est fourbe et cruelle et lui propose de vivre seule avec elle, cachées, dans un container sur une plage isolée du bout du monde, près des restes d’un porte-container échoué. On y remarque un autel avec des statuettes de la Sainte Vierge, un chapelet, des dessins de Marie.

Visuellement, c’est un naufrage. Ce projet de vivre en survivaliste traquée, qui doit voler du maïs dans les fermes robotisées ou consommer les conserves rouillées que renferment les cales du navire échoué n’enthousiasme guère « Fille ». Et on la comprend ! Elle regrette d’avoir suivi cette femme archaïque, qui aurait pourtant pu finir son éducation de mère selon la chair et lui transmettre d’autres valeurs… S’ensuit une dispute, et « Fille » la gifle avant de retourner chez sa première « Mère » artificielle : celle du bunker !
Elle est reçue par l’armée des robots gardiens de « Mère » qui l’accueille avec bienveillance comme le père du fils prodigue dans les Évangiles accueillait avec amour l’enfant qui lui revient après avoir fait l’expérience du monde. « Mère » lui propose le projet d’élever elle-même le second enfant de l’élevage : un mâle cette fois, de type africain.

Paradoxalement, « Fille » tue le robot « Mère » juste après que cette dernière lui ait expliqué que le robot qui lui sert de corps n’est qu’un véhicule, et que l’intelligence artificielle qui contrôle le bunker contrôle également les robots extérieurs et les machines qui cultivent et produisent la nourriture. Ainsi le meurtre de cette mère virtuelle n’est-il que symbolique : « Fille » achève son initiation en tuant l’enveloppe de celle qui lui a donné la vie et qui l’a élevée, mais paradoxalement elle se place sous sa domination, qui est immortelle, elle.

D’ailleurs, l’intelligence artificielle finit le travail et se débarrasse définitivement de sa concurrente : grâce à un mouchard caché dans le sac de la survivante, elle trouve la cachette où elle vivait paisiblement, y envoie un robot… et la tue (après l’avoir probablement torturée pour lui faire avouer les caches des autres survivants, comme cela est suggéré).

La machine a parfaitement réussi son but : après avoir dévasté la terre et rendu les hommes dépendants de la technologie, elle est parvenue à produire une nouvelle génération métissée (le second enfant élevé est noir), régie par ses loi eugénistes, qui rejette d’instinct ses ancêtres nés naturellement, et qui se prive du coup de toute transmission authentique de foi et de culture. On retrouve là tous les codes du nouvel ordre post-chrétien.

Mais la machine a aussi atteint ses objectifs dans l’esprit du public. En effet, contrairement au film Matrix, où le spectateur pouvait moralement soutenir la résistance à ce projet de dictature numérique en suivant le très charismatique Néo, dans I am Mother au contraire tout est conçu pour prendre le parti de la frêle et courageuse « Fille » qui est pourtant l’esclave consentante et manipulée de l’intelligence artificielle.
Cette inversion des valeurs, devenue presque systématique dans les productions Disney depuis une dizaine d’années et de plus en plus courante dans les séries et long-métrages diffusés actuellement, peut être vue comme une préparation des esprits à l’acceptation d’une religion à l’envers.
Singeant Jean-Baptiste qui a préparé les hommes à la venue du Seigneur, la voix qui court sur les réseaux des nouvelles plate-formes de diffusion numérique annonce inlassablement le règne prophétisé — court mais dévastateur — de l’ennemi de l’humanité.

La culture cinématographique est un bon moyen d’exercer notre intelligence, d’observer et de produire des réflexions. L’apostolat peut s’exercer de multiples façons : parler de cinéma et relever les valeurs antichrétiennes que promeuvent certains films peut être une forme d’apostolat. Sachons donc en profiter avec discernement et transformer ces productions en opportunités d’évangélisation.

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