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Marie-Madeleine, témoin de la Sainte Trinité

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La scène du tombeau vide, dans Jean 20, 11-17, fait de Marie-Madeleine la première personne à être témoin de la résurrection de Jésus. Dans cet article, nous allons montrer qu’à l’instar d’Abraham, Marie-Madeleine est une âme hautement privilégiée puisque Dieu lui apparaît simultanément dans les trois personnes de la Sainte Trinité. Cette interprétation pourrait expliquer le fameux « ne me touche pas » qui laisse perplexe bien des théologiens.

Avant d’entrer dans le vif du sujet précisons que, selon la Tradition de l’Église, Jésus-Christ ressuscité apparaît en tout premier lieu à sa mère, la Très-Sainte Vierge Marie. Cela n’est pas rapporté dans les Écritures, mais c’est conforme au simple bon sens.

Marie n’est pas mentionnée dans aucun des Évangiles lors de la Résurrection, mais on peut s’imaginer qu’elle était au tombeau au moment même où la pierre fut roulée et que le Christ dans sa gloire, est sorti librement du rocher. La consolation de voir son Fils et Seigneur, libre de tous liens, s’extraire lui-même du caveau devait être à la mesure de la désolation qui transperça son coeur lorsqu’il fut lié et livré au sadisme des bourreaux.

Les autres femmes qui avaient passé la soirée du samedi en sa compagnie, ont pu constater en pleine nuit que Marie n’était plus au milieu d’elles ; elles sont alors sorties à sa recherche avant le lever du jour, sans en informer les disciples masculins qui passaient la nuit dans un lieu séparé. C’est ce qui explique qu’aucun homme n’était avec elles, alors même qu’elles avaient besoin de muscles, comme le précise Marc en 16, 3 : 

Elles se disaient entre elles: « Qui nous roulera la pierre hors de la porte du tombeau? »

Mais laissons ces suppositions de côté et revenons à Marie-Madeleine :

Le premier jour de la semaine, Marie de Magdala vient de bonne heure au tombeau, comme il faisait encore sombre, et elle aperçoit la pierre enlevée du tombeau.
Elle court alors et vient trouver Simon-Pierre, ainsi que l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit: « On a enlevé le Seigneur du tombeau et nous ne savons pas où on l’a mis. »
Pierre sortit donc, ainsi que l’autre disciple, et ils se rendirent au tombeau.
Ils couraient tous les deux ensemble. L’autre disciple, plus rapide que Pierre, le devança à la course et arriva le premier au tombeau.
Se penchant, il aperçoit les linges, gisant à terre ; pourtant il n’entra pas.
Alors arrive aussi Simon-Pierre, qui le suivait ; il entra dans le tombeau ; et il voit les linges, gisant à terre, ainsi que le suaire qui avait recouvert sa tête ; non pas avec les linges, mais roulé à part dans un endroit.
Alors entra aussi l’autre disciple, arrivé le premier au tombeau. Il vit et il crut. En effet, ils ne savaient pas encore que, d’après l’Écriture, il devait ressusciter d’entre les morts.
Les disciples s’en retournèrent alors chez eux.

Le texte nous apprend qu’avant de rejoindre Pierre et Jean au tombeau, Marie-Madeleine y est allée une première fois, en compagnie d’autres femmes : selon Luc 24, 10, et Marc 16, 1 il s’agirait de Salomé, Jeanne et Marie, mère de Jacques. L’Evangile de Jean, lui, ne précise pas que ces femmes sont avec elle, mais le pluriel employé confirme que Marie-Madeleine n’était pas seule : « Nous ne savons pas où on l’a mis ». Après avoir constaté que le tombeau était ouvert, elles sont redescendues prévenir les disciples ; et Pierre et Jean sont les premiers informés. Ceux-ci sortent immédiatement et s’y rendent en courant. Ils sont suivis par Marie-Madeleine, qui retourne donc au tombeau une seconde fois. Cette fois, elle est la seule femme : les autres étant probablement à ce moment-là en ville en train de prévenir les autres disciples. Et lorsque Pierre et Jean redescendent faire leur rapport aux autres, elle reste seule au tombeau et c’est à cet instant que se produit la rencontre ; sans autres témoins.

Lisons ce passage en essayant de nous représenter la scène :

Marie se tenait près du tombeau, au-dehors, tout en pleurs. Or, tout en pleurant, elle se pencha vers l’intérieur du tombeau et elle voit deux anges, en vêtements blancs, assis là où avait reposé le corps de Jésus, l’un à la tête et l’autre aux pieds.
Ceux-ci lui disent : « Femme, pourquoi pleures-tu? » Elle leur dit: « Parce qu’on a enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où on l’a mis. »
Ayant dit cela, elle se retourna, et elle voit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c’était Jésus.
Jésus lui dit : « Femme, pourquoi pleures-tu? Qui cherches-tu? » Le prenant pour le jardinier, elle lui dit : « Seigneur, si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as mis, et je l’enlèverai. »
Jésus lui dit : « Marie! » Se retournant, elle lui dit en hébreu: « Rabbouni » – ce qui veut dire : « Maître. » Jésus lui dit : « Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père.
Mais va trouver mes frères et dis-leur : je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. »

Si nous tentons de faire une représentation spatiale de la scène, nous obtenons le schéma suivant :

Nous avons donc, dans notre dessin en vue de dessus, les deux anges à gauche, à l’intérieur du tombeau, assis sur la pierre. Marie se trouve sur le seuil. Le troisième personnage est à droite.

Marie entend ces hommes lui dire « Femme, pourquoi pleure-tu ? » Le texte ne précise pas qui parle. Il est suggéré que tous les trois prononcent la phrase en même temps : en effet, alors qu’elle est en train d’observer les anges assis à l’intérieur du tombeau, nous lisons qu’à cet instant Marie se retourne ! Pourquoi se retourne t-elle ? Très certainement parce qu’elle a entendu parler simultanément derrière elle ! Le texte nous le confirme puisqu’au verset suivant, la même phrase « Femme, pourquoi pleure-tu ? », est mise dans la bouche du jardinier.

C’est alors qu’elle s’entend être appelée par son prénom : « Marie ! », et immédiatement elle se retourne une seconde fois. Puisqu’elle s’est de nouveau retournée, c’est donc qu’elle n’est plus face au jardinier, mais qu’elle est maintenant vers l’un des deux autres hommes qui sont assis dans le tombeau.

Dans cette scène, Jésus est donc à la fois le jardinier, et l’un des hommes dans le tombeau. Et c’est vers ce dernier qu’elle est tournée lorsqu’elle l’appelle « Rabbouni ».

Cette situation évoque l’apparition des trois anges à Abraham, qui ne sont pourtant qu’une personne unique puisqu’Abraham s’adresse à eux en employant à la fois le singulier et le pluriel. Les Pères de l’Église s’accordent à dire qu’Abraham reçoit chez lui les trois personnes de la Trinité, sous la forme physique de trois anges :

Genèse 18, 2 Ayant levé les yeux, voilà qu’il vit trois hommes qui se tenaient debout près de lui; dès qu’il les vit, il courut de l’entrée de la Tente à leur rencontre et se prosterna à terre.
Genèse 18, 3 Il dit: « Monseigneur, je t’en prie, si j’ai trouvé grâce à tes yeux, veuille ne pas passer près de ton serviteur sans t’arrêter.

 

Comme nous l’avons dit plus haut, le « Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père » est énigmatique car il présente un contre-sens. Considérons que Jésus est alors présent, juste devant Marie-Madeleine ; il est à porté de main si l’on peut dire. Ce n’est pas lorsqu’il sera monté vers le Père que Marie-Madeleine pourra mieux le toucher ! Cette phrase, loin de freiner l’élan de Marie, devrait au contraire la porter à se jeter dans ses bras… avant qu’il ne s’en aille pour de bon !
Nous avons pourtant ici l’explication : ces trois hommes étant tout à la fois le Père, le Fils et le Saint-Esprit, il est impossible à Marie-Madeleine d’étreindre celui qui lui fait face pour des raisons d’ordre spirituel. Alors qu’elle tend les bras vers lui à cet instant, l’amour que Marie-Madeleine porte à Jésus, tout pur que soit cet amour, reste relatif à une dimension charnelle ; dimension qui est incompatible avec la divinité qui se manifeste alors simultanément dans les personnes du Père et du Saint-Esprit.

Cette phrase, « Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père », signifie que le privilège extraordinaire de Marie-Madeleine, de pouvoir contempler Dieu en ses trois personnes, a tout de même des limites infranchissables : à cet instant, il lui est possible de voir et de parler au Seigneur, mais cet échange ne peut au-delà. Tout contact physique est impossible car il n’est pas dans l’ordre des choses qu’une fille d’Eve puisse, en ce monde, « toucher » le Père, ni même le Saint-Esprit.

Méditons donc l’immense privilège dont jouit Marie-Madeleine à cet instant ! Elle, femme pécheresse, qui était peut-être considérée comme la plus indigne parmi ceux qui accompagnaient Notre-Seigneur, a l’honneur d’être, après la Vierge Marie, la seconde personne à voir Jésus en personne. Avant saint Pierre ! Avant saint Jean ! Mais en plus – grâce extraordinaire – ce sont à la fois le Père, le Fils et le Saint-Esprit qui se montrent à ses yeux, tous ensemble, dans l’intimité du tombeau.