Le père Roger-Thomas Calmel (1914 – 1975) fut un infatigable pourfendeur du teilhardisme et des erreurs doctrinales de ses contemporains. Sa Théologie de l’Histoire, publiée en 1966 peut, par certains aspects, se lire comme un prolongement du Traité du Saint-Esprit de Mgr Gaume (XIXe siècle), qui serait actualisé en tenant compte des progrès de la Révolution propres au XXe siècle.
La Théologie de l’Histoire tord le cou à une vision évolutioniste et messianique de l’Histoire. Par des citations tirées, entre autres, de l’Apocalypse de Saint Jean, il démontre que l’Histoire théologique s’accomplit par l’incarnation de Notre-Seigneur et sa Passion. Le progrès technologique de ces derniers siècles ne doit pas faire illusion : l’Histoire ne présente pas une évolution vers une spiritualité plus accomplie ni une religion mieux comprise ni un christianisme universel. Il suffit de regarder le calendrier pour voir que l’Histoire ne s’articule qu’autour d’un avant et un après Jésus-Christ.
Par exemple, sur le plan de la famille, le Père Calmel explique que « dans ce domaine, un progrès décisif fut accompli avec la venue de Notre-Seigneur. A partir en effet de la vie de la Sainte Famille à Nazareth, à partir des noces de Cana, puis de la consécration des vierges au début de l’Église, les mœurs domestiques et la vie de famille ont été élevées à un niveau de pureté, de piété, de douceur qui étaient inconnues de l’antiquité païenne ou même judaïque. Mais ce progrès fut réalisé une fois pour toutes, comme la venue du Sauveur lui-même ; les affinements qui ont pu survenir depuis cette période absolument unique n’atteignent plus le fond des choses. »
Ainsi, depuis l’Ascension de Notre-Seigneur et la Pentecôte, la succession des siècles ne fut – comme l’Apocalypse nous invite à le comprendre – qu’une répétition d’épreuves, toujours nouvelles et cependant toujours semblables, destinées à peupler le Ciel d’une génération de saints toujours différents car suscités sous différentes circonstances : celles du martyrs des premiers siècles de l’ère chrétienne, celles des premières grandes hérésies, celles de la lente maturation d’une civilisation chrétienne au Moyen-Age, celles de l’annonce de l’Évangile à toute la terre tandis que la foi se refroidissait dans les vieilles nations chrétiennes, puis celle de l’apostasie générale qui prépare la venue de l’Antéchrist et du retour en gloire du Rédempteur…
La lecture de la Théologie de l’Histoire recentre l’objet de la foi sur l’essentiel, et procure au fidèle un beau support de réflexion, voire même, pourquoi pas, une base d’oraison !
A notre connaissance cet ouvrage, que tout catholique de ce début de XXIe siècle devrait avoir au moins feuilleté une fois dans sa vie, n’était jusqu’alors disponible en version numérique que sur pdfslide et scribd. Cette nouvelle mise en page au format A5 vient compléter notre collection de livres en téléchargement gratuit avec, comme invitation de lecture, une représentation de “la Femme de l’Apocalypse” de Pierre Paul Rubens.
L’e-book de la Théologie de l’Histoire, du père Roger-Thomas Calmel O.P. est accessible en cliquant sur le lien ci-dessous :
Télécharger gratuitement la Théologie de l’Histoire, du père Roger-Thomas Calmel O.P. – 136 pages – 2,16 Mo |
Extrait du livre
Dès les premiers siècles, il se leva au sein de l’Église des chrétiens, et souvent des prêtres, dont l’esprit n’était pas médiocre, mais dont l’orgueil était encore plus grand, qui voulurent refaire la doctrine de l’Église et sa discipline, autrement que Jésus ne les avait instituées et que son Esprit ne les défendait en assistant de son inspiration la hiérarchie apostolique. Ils se réclamaient toujours du Christ mais ils niaient qu’il fût consubstantiel au Père ou que la Vierge Marie fût réellement Mère de Dieu. Telles étaient les grandes hérésies d’Arius et de Nestorius. Beaucoup plus tard, au seizième siècle, après la relative stabilité ecclésiale du Moyen-âge, une autre grande hérésie, le Protestantisme, allait à son tour ravager l’Église. Tout comme les hérésies du IV et du Ve siècle, elle se réclamait du Christ ; son originalité consistait à rejeter l’organisation hiérarchique de l’Église et la présence réelle du Seigneur au Sacrement de l’autel. L’Ecriture suffisait à nous instruire et nous guider sans le secours du magistère ; de même la foi sans les œuvres suffisait à nous sauver. Or qu’ils s’appelassent Arius, Nestorius ou Eutychès, Martin Luther ou Jean Calvin, tous ces hérétiques des siècles passés, jusqu’au seizième siècle inclusivement, affirmaient et maintenaient une Église distincte du monde ; irréductible de droit au temporel et aux cités terrestres ; une Église dont l’objet, malgré toutes sortes de compromis, n’était autre que les biens célestes, la vie éternelle et la justification de l’âme qui en est ici-bas la préparation. Aucun de ces hérétiques n’aurait imaginé que la sphère propre et irréductible de l’Église ne fut pas le transcendant, les choses d’en-haut, la vie dans le Christ. Même quand ils rejetaient la hiérarchie apostolique ils essayaient, par une contradiction bien significative, de rétablir un simulacre de hiérarchie, des ministres sacrés, qui dans une certaine mesure auraient une fonction à part. Tant bien que mal, ces hérétiques s’appliquaient à maintenir une Église distincte du monde. Jamais il ne leur serait venu à l’esprit que la civilisation — le cirque des civilisations comme disait le poète — les révolutions des empires, et tout le devenir de l’humanité, c’était cela qui constituait l’Église ; ou bien que c’était du moins en cela qu’elle était préformée ; qu’elle s’élancerait de là pour des réalisations imprévisibles, toujours différentes, n’ayant en commun que la poussée vers un avenir de l’humanité toujours plus libre, plus populaire, plus pacifique, plus techniquement perfectionné.
Les hérétiques anciens n’avaient pas encore immergé Dieu et son Christ dans l’histoire humaine ; confondu le Dieu immuable et trois fois saint, et son Fils incarné Jésus-Christ, avec le monde qui s’organise et l’humanité qui, en apparence du moins, devient maîtresse des mécanismes de la matière, de la vie et de la société. Ces aberrations ne devaient venir à l’esprit que des faux-prophètes modernes. Les anciens hérétiques étaient en rébellion contre la foi et contre l’Église sur tel ou tel point de la Révélation, ils n’étaient pas apostats de la foi et de l’Église. Ils n’avaient pas tenté de transférer l’Église, de la faire descendre, de l’immerger dans une sphère qui n’est pas celle de la vie éternelle, des biens célestes et de leur préparation ici-bas. Quelle que soit la nécessaire illumination et purification des réalités terrestres par la lumière et la grâce divines, les anciens hérétiques étaient à mille lieues de penser que l’objet propre de la foi et de l’Église consistait dans les réalités terrestres et dans leur transformation. Les anciens hérétiques péchaient par hérésie ; de nos jours c’est le démon de l’apostasie qui s’avance à la rencontre des fidèles à pas feutrés ; un grand nombre a commencé de lui entrouvrir la porte de son âme.
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