La démonstration de la réalité de la résurrection se manifeste à notre génération dans le Linceul de Turin, comme nous l’avons évoqué dans notre livre le Signe de Jonas, et expliqué en détail dans notre conférence Le Linceul vu par l’infographiste.
Mais Jésus Christ apporte déjà une preuve de la résurrection des morts dans l’Écriture sainte, dans Luc et dans Marc, lors d’un débat avec les sadducéens. Pourtant cette preuve est rarement mise en avant. Elle est même très souvent négligée dans les sermons de nos prêtres lorsque la messe cite ces passages des Évangiles.
Pourquoi ?
Parce que, littéralement, l’argument présenté par Jésus est trop souvent incompris. Et comme il n’est pas compris par ceux qui doivent l’expliquer, il n’a aucune chance de convaincre l’auditoire !
Relisons ce passage, dans Luc puis dans Marc :
Luc 20, 27 S’approchant alors, quelques Sadducéens – ceux qui nient qu’il y ait une résurrection – l’interrogèrent
Luc 20, 37 Et que les morts ressuscitent, Moïse aussi l’a donné à entendre dans le passage du Buisson quand il appelle le Seigneur le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob.
Luc 20, 38 Or il n’est pas un Dieu de morts, mais de vivants; tous en effet vivent pour lui.”
Marc 12, 26 Quant au fait que les morts ressuscitent, n’avez-vous pas lu dans le Livre de Moïse, au passage du Buisson, comment Dieu lui a dit: Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob?
Marc 12, 27 Il n’est pas un Dieu de morts, mais de vivants. Vous êtes grandement dans l’erreur!”
Effectivement, à la première lecture, on ne voit pas comment Jésus prouve qu’il y a une résurrection. L’épisode du Buisson Ardent ne présente en effet aucun rapport avec la résurrection de la chair !
De leur côté, les commentaires des pères de l’Église ne nous éclairent pas beaucoup.
Relisons par exemple ce que disent Saint Jérôme, Théophylactus, Bède et la Glose sur Marc 12,27 :
S. Jérôme. Voilà donc l’erreur où les fait tomber leur ignorance des Écritures, car après la résurrection, les hommes seront comme les anges de Dieu, c’est-à-dire, il n’y aura plus ni mort, ni naissance, ni enfant, ni vieillard.
Théophylactus. Cette même ignorance leur fait commettre une autre erreur, car s’ils comprenaient bien les Écritures, ils y trouveraient des preuves évidentes de la résurrection des morts: «Quant à la résurrection des morts, continue Notre-Seigneur, n’avez-vous point lu dans le livre de Moïse ce que Dieu lui dit dans le buisson», etc.
S. Jérôme. Je dis «dans le buisson», emblème de ce que vous êtes, car le feu le brûlait, sans consumer ses épines, ainsi vous êtes comme entourés des flammes de ma parole, et elles ne peuvent consumer les épines qui sont le fruit de la malédiction.
Théophylactus. «Or, je vous le déclare, je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob, comme s’il disait: «Je suis le Dieu de ceux qui vivent»; et il ajoute, en effet; «mais des vivants»; et remarquez qu’il ne dit pas: J’ai été, mais, «je suis» le Dieu d’hommes qui existent encore. Dira-t-on que Dieu ne parle ici que de l’âme d’Abraham et non de son corps. Je réponds que la personne d’Abraham comprend ces deux choses, le corps et l’âme; Dieu est donc aussi le Dieu du corps qui vit en Dieu, c’est-à-dire, en vertu de l’ordre établi de Dieu.
Bède. On peut dire encore que Notre-Seigneur, en prouvant que les âmes survivent à la mort du corps (car Dieu ne pourrait point être le Dieu de ceux qui n’auraient jamais existé), en vient par une liaison nécessaire à la résurrection des corps qui ont participé aux bonnes et aux mauvaises actions des âmes.
S. Jérôme. Ces paroles: «Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob», sont une déclaration de la sainte Trinité. En ajoutant: «Dieu n’est pas le Dieu des morts», Notre-Seigneur nous enseigne l’unité de la nature divine. Or, ceux-là vivent qui se sont rendus maîtres de la part qu’ils avaient choisie; et ceux-là sont morts qui ont perdu ce qui était en leur possession; vous êtes donc dans une grossière erreur.
La Glose. En effet, ils se mettaient en contradiction avec les Écritures, et soutenaient des opinions injurieuses à la puissance de Dieu.
De saintes paroles, certes, mais qui, sur le plan logique, nous laissent plutôt sur notre faim…
A la première lecture, dans Luc comme dans Marc, on se heurte en effet à un non-sens logique :
Dieu dit à Moïse qu’il est le dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Or tous les trois sont morts depuis longtemps lorsque Dieu s’adresse à Moïse depuis le buisson. Le fait que Dieu ait été le dieu de ces trois personnages ne constitue pas, en soi, une preuve de la résurrection des morts. Si le texte nous disait qu’ils apparaissaient à Moïse, soudainement ressuscités devant lui à côté du buisson, peut-être ; mais en l’occurrence ce n’est pas le cas !
Au contraire, si on se replace dans le contexte de l’époque, on trouve chez tous les peuples de l’antiquité des dieux des morts ou du royaume des morts ; Hadès, Nergal, Ereshkigal, etc… Évoquer les noms des illustres ancêtres, même s’ils ont vécu pour Dieu au cours de leur vie terrestre, ne constitue pas un argument en faveur de la résurrection. Le Dieu d’Abraham ou d’Isaac pourrait tout aussi bien être un dieu des morts autant qu’un dieu des vivants, puisqu’ils sont morts !
L’épisode de la transfiguration sur la montagne, où Jésus s’entretient avec Moïse et Élie, en présence de Pierre, Jacques et Jean, pourrait à la rigueur constituer un argument valable : si trois personnes peuvent témoigner avoir vu Jésus dialoguer avec Moïse et Elie, pourtant morts depuis des siècles, alors il y aurait une preuve. Mais Jésus avait enjoint ces trois témoins, Pierre, Jacques et Jean, de ne rien dire de ce qu’ils avaient vu ! … En plus, on peut toujours mettre en doute un témoignage puisque Thomas ne croit pas en la résurrection du Christ avant de l’avoir vu de ses yeux.
Alors, comment peut-on comprendre cette phrase ?
La clé est certainement ailleurs que dans les personnes d’Abraham, d’Isaac et de Jacob…
J’ai longtemps tourné autour de cette idée, interrogé des théologiens, des prêtres, sans succès. Je n’avais droit qu’à des réponses évasives ou non convaincantes. Mais le Ciel n’a pas voulu me laisser sur cette énigme. L’Esprit-Saint m’a répondu par la bouche d’un évêque inspiré — bénis soient nos évêques inspirés ! —, qui m’a mis sur la piste au détour d’une conversation. Aussi, je m’empresse de partager avec vous la joie de cette révélation…
Voici donc comment nous pouvons comprendre ce passage énigmatique :
L’argumentation de Jésus devant les Sadducéens se situe en réalité sur un plan strictement logique et matérialiste. Voilà pourquoi les pères de l’Église qui s’appliquent, dans leurs commentaires, à approfondir le sens mystique des Écritures, ne nous avaient pas éclairé.
Jésus connaît bien la doctrine des Sadducéens, qui avaient une vision helléniste, matérialiste, du monde, et il va précisément s’appuyer sur un élément de leur doctrine pour leur présenter un argument imparable qui démontre la réalité de la résurrection. Nous pouvons rappeler brièvement l’une des caractéristiques de la doctrine des Sadducéens, selon ce qu’en dit saint Paul :
Actes 23, 8 Les Sadducéens disent en effet qu’il n’y a ni résurrection, ni ange, ni esprit, tandis que les Pharisiens professent l’un et l’autre.
Les Actes des apôtres nous précisent ainsi que les Sadducéens ne se contentent pas de nier la résurrection, mais aussi qu’il n’y a pas d’ange ni d’esprit. C’est une information importante pour la question qui nous intéresse, car s’il n’y a ni ange ni esprit, alors pour les Sadducéens c’est nécessairement Dieu lui-même qui EST dans le buisson en feu !
Relisons le passage du buisson ardent pour mieux en comprendre les conséquences :
Exode 3, 1 Moïse faisait paître le petit bétail de Jéthro, son beau-père, prêtre de Madiân; il l’emmena par-delà le désert et parvint à la montagne de Dieu, l’Horeb.
Exode 3, 2 L’Ange de Yahvé lui apparut, dans une flamme de feu, du milieu d’un buisson. Moïse regarda: le buisson était embrasé mais le buisson ne se consumait pas.
Exode 3, 3 Moïse dit: “Je vais faire un détour pour voir cet étrange spectacle, et pourquoi le buisson ne se consume pas.”
Le texte de l’Exode dit que c’est « l’ange » de Yahvé qui est dans le buisson, mais nous comprenons que pour les Sadducéens, qui ne croient pas aux anges, c’est Dieu lui-même qui est le feu dans le buisson, et non la représentation de l’un de ses messagers.
Or, le texte nous dit deux fois que « le buisson ne se consumait pas », alors qu’il s’agit d’une « flamme de feu ». Notez bien la précision du texte : comme souvent dans les écrits hébraïques, les termes sont doublés (ici flamme + feu) pour ne laisser aucune ambiguité. Donc c’est bien d’un vrai feu de bois dont il s’agit et pas d’un effet de lumière qui aurait l’apparence de feu.
Et voilà la clé !
Si Dieu est le feu du buisson, et que ce feu ardent ne consume pas un arbuste sec — et rien ne brûle mieux et plus vite qu’un buisson dans le désert —, alors c’est que Dieu préserve la vie : il ne détruit pas la matière ! Il n’est pas le dieu de la corruption, de la dissolution de la matière, de la mort : au contraire, il est le Dieu de la vie.
Cet argument est absolument extraordinaire. On dirait une démonstration mathématique. Dans un contexte où chacun a des doctrines différentes, des référentiels différents et même une interprétation différente de l’Écriture, il était impossible de s’entendre. Or Jésus propose une passerelle logique, qui permet à tout esprit censé de le rejoindre et de partager son raisonnement. Pour le contredire, les Sadducéens auraient pu répliquer que le feu n’était pas réellement Dieu, mais plutôt une représentation de Lui, mais comme ils ne croient pas aux anges, ils ne pouvaient pas oser avancer cet argument ; ils cesseraient d’être Sadducéens !
Bien chers prêtres qui cherchez des idées pour préparer l’homélie du 32e dimanche du temps ordinaire année C, si vous lisez ces lignes, n’hésitez pas à vous en inspirer ! Notre monde est au moins aussi matérialiste que la vision qu’en avaient les sadducéens, et l’argumentation de Notre-Seigneur Jésus-Christ est plus que jamais pertinente aujourd’hui…